Francisco de Goya
Charles V affrontant un taureau
1815–1816
Il est Goya, un paysan d’Espagne, farceur et sentencieux, un gamin féroce, un philosophe courroucé, un visionnaire impossible à arrêter dans une forme, quelque chose de gai, de mauvais, de lubrique et de noble en même temps ou tour à tour. Il traverse le carnaval, s’amuse avec des femmes chaudes et des poupées désossées. Rouge des joues, gaieté funèbre. On ne sait s’il rit avec les autres ou s’il rit d’eux, ou s’il entrevoit sous leur rire les dents du crâne décharné. Il va voir tuer les taureaux, garrotter les bandits, saigner les flagellants, il monte aux barricades, fouaille le prince et tutoie le sacripant. Il décore sa maison de figures effroyables, des enterrés vifs qui se battent, des cannibales gorgés de viande humaine, secouant des tronçons sanglants. Il enrage contre son temps dont il partage avec passion la cruauté, la galanterie, le romanesque faisandé. C’est un libre esprit, et c’est un rustre. Il est, de tous les grands Espagnols qui furent subtils et sauvages, le plus sauvage, le plus subtil.
Collection: Cleveland Museum of Art (Gift of The Print Club of Cleveland 1984.94)
Text: Élie Faure, Histoire de l’art, 1919–1921
Publié: Octobre 2017
Catégorie: Illustration
Source