Pierre-Alexandre Aveline
L’Enlèvement d’Europe
1730
Le père et le maître des dieux, dont le bras est armé des carreaux de la foudre, dont un mouvement de tête ébranle l’univers, prend la figure d’un taureau. Il se môle à un troupeau, et erre en mugissant dans les tendres pâturages ; sa beauté est éclatante, car il a la blancheur de la neige que n’a point foulée un pied brutal, que n’a point fondue l’Auster pluvieux. Des muscles vigoureux se dessinent sur sou cou ; son fanon pend sur sa poitrine. Ses cornes sont petites, il est vrai, mais on les dirait faites à la main ; elles sont plus transparentes qu’un diamant sans tache. Son front n’a rien de menaçant, ses yeux, rien de terrible ; son regard respire la paix. La fille d’Agénor s’étonne qu’il soit si beau et si pacifique. Mais, si doux qu’il soit, elle n’ose d’abord le toucher. Bientôt cependant elle s’approche, et présente des fleurs à ce bel animal, qui s’ébat auprès d’elle et bondit sur l’herbe verdoyante, ou qui étend sur le sable doré ses flancs aussi blancs que la neige. Quand peu à pou elle s’est rassurée, il présente tantôt son poitrail aux caresses de la jeune fille, tantôt ses cornes aux guirlandes nouvelles dont elle veut le parer. La princesse ose même monter sur le dos de l’animal ; elle ignore quel est celui qui la porte. Alors le dieu s’éloigne insensiblement de la terre et du rivage ; il trempe ses pieds trompeurs dans les premières vagues ; puis il s’avance plus loin, et emporte sa proie au milieu de la plaine liquide. Europe s’effraye ; elle tourne ses regards vers le rivage qui fuit ; de sa main droite elle tient une corne du taureau ; l’autre est appuyée sur le dos du ravisseur ; ses vêtements se gonflent et flottent au gré des vent.
Collection: BNF
Text: Ovide, Les Métamorphoses, Ier siècle
Publié: Octobre 2015
Catégorie: Illustration
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