Eugène Delacroix
Méphistophélès apparaissant à Faust
1827
Ce à quoi nous pensons, quand nous parlons d’« âme », est une chose qui a été inventée assez récemment, en fait. Elle a été brevetée par la bourgeoisie du dix-neuvième siècle. […] L’ensemble d’idées, de modes, d’œuvres d’art, de noms, de mythes et de héros au moyen desquels ils firent de cette ambition un bien collectif, voire commun, est ce que nous appelons le romantisme. Si vous voulez comprendre de quoi il s’agissait, voici un bon système : c’était un monde qui pouvait comprendre Faust. C’étaient des gens à qui le diable pouvait proposer de vendre leur âme en échange de toutes sortes de délices terrestres, et, eux, ils auraient compris son offre. Ils auraient su depuis toujours qu’ils n’avaient pas le choix, sans âme aucune richesse terrestre n’était sûre ni légitime. Je ne voudrais pas exagérer, mais ni Achille ni Dante n’aurait compris cette proposition. Car l’objet du troc faustien n’existait pas. Curieux : si vous demandez à un barbare ce qu’il en est de l’âme, il ne comprend pas votre question.
Collection: Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris
Dimensions : 265 x 338 mm
Text: Alessandro Baricco, Les barbares: Essai sur la mutation, 2006
Publié: Octobre 2017
Catégorie: Illustration
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