Julien Léopold Boilly
Némésis et Thémis
1849
Ce châtiment d’une rigueur géométrique, qui punit automatiquement l’abus de la force, fut l’objet premier de la méditation chez les Grecs. Il constitue l’âme de l’épopée ; sous le nom de Némésis, il est le ressort des tragédies d’Eschyle ; les Pythagoriciens, Socrate, Platon, partirent de là pour penser l’homme et l’univers. La notion en est devenue familière partout où l’hellénisme a pénétré. C’est cette notion grecque peut-être qui subsiste, sous le nom de kharma, dans des pays d’Orient imprégnés de bouddhisme ; mais l’Occident l’a perdue et n’a plus même dans aucune de ses langues de mot pour l’exprimer ; les idées de limite, de mesure, d’équilibre, qui devraient déterminer la conduite de la vie, n’ont plus qu’un emploi servile dans la technique. Nous ne sommes géomètres que devant la matière ; les Grecs furent d’abord géomètres dans l’apprentissage de la vertu.
Collection: Rijksmuseum, Purchased with the support of the F.G. Waller-Fonds
Texte: Simone Weil, L’Iliade ou le poème de la force, 1941
Publié: Décembre 2024
Catégorie: Illustration