Giovanni Battista Piranesi
Veduta dell’antica Via Appia
1756
Il a été archéologue d’une époque où le mot même n’était pas d’usage courant. Jusqu’au bout, il a sagement suivi l’usage qui consistait à numéroter sur les planches chaque partie d’édifice, chaque fragment d’ornement resté en place, et à faire correspondre à la marge inférieure des notes explicatives, sans jamais s’inquiéter, comme le ferait à coup sûr un artiste d’aujourd’hui, de diminuer par ces précisions de manuel ou de dessin d’épure la valeur esthétique ou pittoresque de son œuvre. « Quand je m’aperçus qu’à Rome la plupart des antiques monuments gisaient abandonnés dans des champs ou dans des jardins, ou encore servaient de carrière pour de nouvelles bâtisses, je résolus d’en préserver le souvenir à l’aide de mes gravures. J’ai donc essayé d’y mettre la plus grande exactitude possible. » Il y a quelque chose de déjà gœthien dans cette phrase ou s’affirme une modeste volonté d’être utile. Pour sentir l’importance de cette entreprise de sauvetage, il faut se rappeler qu’un tiers au moins des monuments dessinés par Piranèse ont disparu depuis lors, et que ce qui reste a été le plus souvent dépouillé des revêtements et des stucs demeurés en place, modifié, restauré, quelquefois malencontreusement restauré, entre la fin du XVIIIᵉ siècle et nos jours. A notre époque où l’artiste a cru se libérer en rompant les liens qui le reliaient au monde extérieur, il vaut la peine de montrer de quelle précise sollicitude pour l’objet contemplé sont sortis les chefs-d’œuvre presque hallucinés de Piranèse.
Collection: The Metropolitan Museum of Art (Bequest of Phyllis Massar, 2011)
Dimensions: 387 x 520 mm
Text: Marguerite Yourcenar, Sous bénéfice d’inventaire, 1962
Publié: Décembre 2016
Catégorie: Illustration
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