Fernand Pouillon
Entretien avec Hélène Roy
1977
L’urbanisme, c’est l’installation de l’architecture, et je nie l’urbanisme. On ne peut pas faire des pâtés sous forme de tache d’encre sur un papier et ensuite charger un autre de mettre le sable dessus. Il faut que ce soit le même qui le fasse… L’urbanisme est une discipline fausse, une discipline qui n’a jamais rien produit. Les grandes opérations d’urbanisme ont toujours été réalisées par les services des ponts et chaussées, qui font des routes, des ponts, des noeuds routiers, ce qu’on appelle des circulatoires. Du temps de Napoléon Ier, ils faisaient des routes. Du temps des Romains, ils faisaient des voies, et c’était des gens qu’on pouvait appeler des urbanistes. Ensuite, on a cru qu’on pouvait installer une ville en établissant des circulatoires, des stationnements, des espaces verts, etc., puis, faisant venir l’architecte, lui dire : « Tu as un petit pâté de 30 sur 30, et tu vas faire dessus ton petit pâté d’immeubles qui devra avoir 40 mètres de hauteur. » Ceci n’est pas pensable. Tout cela appartient, non pas à des urbanistes spécialisés ni à des architectes, mais aux hommes. Il faut toujours en revenir aux hommes. Si les hommes bâtissent, ils s’en sortiront. S’ils ne veulent pas bâtir, ils ne s’en sortiront jamais. Il faut que l’homme reprenne le chemin de l’écolier, c’est-à-dire celui qui l’a forcé à bâtir sa maison.