Littérature

Lewis Mumford

La « Folie » de Marseille

1957

Comment se fait-il, dès lors, que l’unité d’habitation ait été si largement acceptée et imitée ? Je ne pense pas qu’une réponse satisfaisante tienne au mérite de l’édifice. À en juger par l’éruption de barres partout en Europe, l’irrationnel et l’extravagant, la monumentalité malsaine et le formalisme vide s’accordent mieux au ton et à l’humeur de l’époque que les bâtiments conçus de façon humaine et sensible. Dans ces conditions, l’architecture se trouve dans le même état que la littérature ou la peinture — ou que la politique ou l’automobile. Les vices de l’unité d’habitation sont devenus vertus pour les inventeurs du nouvel emballage monumental qui cherchent à éblouir le spectateur, à mettre l’artiste en vedette et à vendre le produit. Leurs carcasses formelles font d’autant plus d’effet qu’elles sont plus vides. Les slogans publicitaires prennent la place de la réalisation. Beaucoup, en particulier chez les fonctionnaires municipaux, s’imaginent que Le Corbusier a donné une solution surprenante et décisive au problème du logement et à toute la question de la planification urbaine. Séduits par les talents manifestes de l’artiste, ils ont négligé la naïveté du sociologue et de l’urbaniste.


Publié: Décembre 2019
Catégorie: Littérature

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