Christopher Lasch
Le Seul et Vrai Paradis
1991
Nous aimons des hommes et des femmes particuliers, pas l’humanité en général. Le rêve d’une fraternité universelle, parce qu’il repose sur la fiction sentimentale qui veut que les hommes et les femmes soient tous semblables, ne peut survivre à la découverte qu’ils sont différents. L’amour, au contraire — un amour fait de chair et de sang, opposé à un humanitarisme vague et larmoyant — est suscité par des différences complémentaires, pas par un mimétisme. Une féministe, protestant contre l’attention excessive portée aux différences sexuelles, recommande aux hommes et aux femmes de se défaire de leurs « conceptions étriquées de l’homme et de la femme », ajoutant que tandis que « nos différences biologiques frappent par leur évidence, nos similarités humaines sont sources d’excitation ». Ce sont, bien au contraire, nos différences biologiques qui sont sources d’excitation. Le fait que les hommes et femmes de conviction progressiste ont perdu de vue cette évidence suggère qu’ils se sont dangereusement éloignés, non seulement de l’Amérique du milieu, mais également du bon sens élémentaire.