Fédor Dostoïevski
Les Carnets du sous-sol
1864
Vous avez soif de vie, mais vous voulez résoudre les questions vitales au moyen de malentendus logiques. Et quelle obstination ! Quelle impudence avec cela ! Mais vous avez peur tout de même. Vous dites des inepties, et vous en êtes satisfait. Vous dites des insolences, mais vous en avez peur et vous vous en excusez. Vous déclarez que vous ne craignez personne, mais vous recherchez nos bonnes grâces. Vous nous assurez que vous grincez des dents, mais vous plaisantez en même temps, pour nous faire rire. Vous savez que vos bons mots ne sont pas bons, mais vous paraissez très satisfait de votre littérature. Il se peut que vous ayez souffert, mais vous n’avez aucun respect pour votre souffrance. Il y a une certaine vérité dans vos paroles, mais elles manquent de pudeur. Sous l’action de la vanité la plus mesquine, vous portez votre vérité sur la place, vous l’exposez au marché, en butte aux railleries. Vous avez quelque chose à dire, mais la crainte vous fait excamoter le dernier mot, car vous avez de l’insolence, mais pas d’audace. Vous vantez votre conscience, mais vous n’êtes capable que d’hésitation, car bien que votre intelligence travaille, votre cœur est sali par la débauche ; or, si le cœur n’est pas pur, la conscience ne peut être clairvoyante, ni complète. Et comme vous êtes importun, comme vous êtes obsédant ! Quel bouffon vous faites ! Mensonge que tout cela ! Mensonge ! Mensonge !