Littérature

Salvador Dalí

Les Cocus du vieil art moderne

1956

Les critiques du vieil art moderne ont été surtout égarés et cocufiés par le « moderne » même. Effectivement rien n’a jamais vieilli plus vite et plus mal que tout ce qu’à un moment ils qualifièrent de « moderne ». Alors que j’avais à peine vingt et un ans, je me suis trouvé un jour à déjeuner chez mon ami Roussy de Sales en compagnie de l’architecte masochiste et protestant Le Corbusier qui est, comme on le sait, l’inventeur de l’architecture d’auto-punition. Le Corbusier me demanda si j’avais des idées sur l’avenir de son art. Oui, j’en avais. J’ai d’ailleurs des idées sur tout. Je lui répondis que l’architecture serait « molle et poilue » et j’affirmai catégoriquement que le dernier grand génie de l’architecture s’appelait Gaudi dont le nom, en catalan, signifie « jouir », de même que Dali veut dire « désir ». Je lui expliquai que la jouissance et le désir sont le propre du catholicisme et du gothique méditerranéens réinventés et portés à leur paroxysme par Gaudi. En m’écoutant, Le Corbusier avait l’air d’avaler du fiel.


Publié: Avril 2018
Catégorie: Littérature

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