Littérature

François-René de Chateaubriand

Mémoires d’outre-tombe (II)

1850

Bavard, ainsi que tous les révolutionnaires, battant l’air de phrases vides, il débitait un ramas de lieux communs farcis de destin, de nécessité ; de droit des choses, mêlant à ce non-sens philosophique des non-sens sur le progrès et la marche de la société, d’impudentes maximes au profit du fort contre le faible : ne se faisant faute d’aveux effrontés sur la justice des succès, le peu de valeur d’une tête qui tombe, l’équité de ce qui prospère, l’iniquité de ce qui souffre, affectant de parler des plus affreux désastres avec légèreté et indifférence, comme un génie au-dessus de ces niaiseries. Il ne lui échappa, à propos de quoi que ce soit, une idée choisie, un aperçu remarquable. Je sortis en haussant les épaules au crime.

[…]

Ces horribles pretintailles ne m’imposèrent point : parce que M. de Nantes avait délayé des forfaits républicains dans de la boue impériale ; que le sans-culotte, métamorphosé en duc, avait enveloppé la corde de la lanterne dans le cordon de la Légion-d’Honneur, il ne m’en paraissait ni plus habile ni plus grand. Les Jacobins détestent les hommes qui ne font aucun cas de leurs atrocités et qui méprisent leurs meurtres ; leur orgueil est irrité, comme celui des auteurs dont on conteste le talent.


Publié: Octobre 2024
Catégorie: Littérature

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