Littérature

Ernst Friedrich Schumacher

Small is beautiful

1973

Un proverbe révolutionnaire dit : « L’homme ne doit pas vivre que de pain. Il doit suivre l’enseignement de Dieu. »

Ici encore, rien ne peut être « prouvé ». Mais est-il encore vraisemblable ou crédible de considérer que les maladies sociales graves, qui minent aujourd’hui bien des sociétés riches, ne sont que de simples phénomènes passagers, qu’un gouvernement compétent — si seulement nous pouvions avoir un gouvernement réellement compétent ! — pourrait extirper simplement grâce à une plus grande fermeté dans l’utilisation de la science et de la technologie, ou grâce à une application plus radicale du système pénal ?

Je suggère que la prospérité universelle, au sens moderne du terme, ne soit plus prise pour fondement de la paix ; car une telle prospérité ne peut être accessible, si elle l’est jamais, que par le culte de pulsions de la nature humaine comme la cupidité et l’envie.

[…]

Nous souffrons d’un mal métaphysique. Le remède doit en être métaphysique. L’éducation qui ne parvient pas à éclaircir nos convictions fondamentales n’est que dressage ou complaisance. Ce sont en effet nos convictions fondamentales qui sont en désordre et, aussi longtemps que persistera l’état d’esprit hostile à la métaphysique dont on fait preuve aujourd’hui, le désordre ira de pire en pire. L’éducation, loin de représenter la ressource primordiale, sera alors un agent de destruction, conformément au principe corruptio optimi pessima.

[…]

Aussi, quand le « vide spirituel » existant n’est pas rempli par quelque motivation supérieure, le sera-t-il nécessairement par une philosophie de la vie étriquée, mesquine, calculatrice, que l’on trouve rationalisée dans le calcul économique.

Pour moi, il ne fait aucun doute qu’une attitude sans pitié envers la terre et les animaux qui y vivent est liée, de façon symptomatique, à un grand nombre d’autres, comme celles qui conduisent au fanatisme du changement rapide et à la fascination pour les nouveautés — dans les domaines de la technique, de l’organisation, de la chimie, de la biologie, etc. — fascination qui encourage leur mise en application bien avant que l’on n’ait pu apprécier tant soit peu leurs conséquences à long terme. Dans la simple question de savoir comment nous traitons la terre — notre ressource la plus précieuse après les personnes — c’est toute notre façon de vivre qui se trouve impliquée. Aussi, avant que n’évolue réellement notre politique à l’égard de la terre, un grand changement philosophique, pour ne pas dire religieux, sera-t-il nécessaire. La question n’est pas de savoir ce que nous nous permettons, mais ce à quoi nous choisissons de consacrer notre argent. Si nous pouvions revenir à une reconnaissance généreuse des valeurs méta-économiques, nos paysages redeviendraient sains et beaux, les populations recouvreraient la dignité de l’homme qui se sait supérieur à l’animal, sans jamais oublier que noblesse oblige.

[…]

Ce à quoi nous pouvons ajouter : surtout quand les processus de production sont ennuyeux et peu gratifiants. Tout cela corrobore nos soupçons sur le fait que la technologie moderne, vu la façon dont elle s’est développée, se développe, et promet encore de se développer, ne peut qu’offrir un visage de plus en plus inhumain. Nous ferions bien de faire le point et de reconsidérer nos objectifs.


Publié: Juillet 2025
Catégorie: Littérature