Johannes Vermeer
Révolution de l’esprit
1657–1668
Apparu chez les Flamands (nos Belges), le paysage s’est épanoui en Hollande. Sa peinture, descriptive plus que narrative, était moins asservie que sa rivale italienne à une culture mythologique, littéraire ou cléricale. Prohibant la peinture religieuse, Calvin ne laissait d’autre pâture aux peintres que le monde profane. L’image pieuse, interdite, restait la nature morte et vivante. À Amsterdam et autour, le marchand émancipé par l’argent, relativement tolérant, se sent habilité à explorer son propre pays avec ses nouveaux appareils de vision, comme cette camera obscura inventée au siècle précédent. Le cossu casanier hollandais, à mi-chemin de l’austère et de l’ostentatoire, juste milieu entre le purisme puritain et le grandiloquent maniériste, fait le net au foyer. Liberté de conscience et attention aux circonstances vont ensemble. On se sent assez bien dans sa peau, son pays et sur terre pour ne pas chercher au-delà. Vermeer de Delft se plante devant Delft pour faire, sa petite machine optique aidant, « le plus beau tableau du monde ». Sidérante approximation du Beau où s’indique une révolution de l’esprit.
Lieu: Netherlands
Mouvement: Baroque
Text: Régis Debray, Vie et mort de l’image, 1992
Publié: Mars 2018
Catégorie: Peinture
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