Photographie

André Corboz

Ce paysage que je regarde

1966–1999

Ce paysage que je regarde, il disparaît si je ferme les yeux et celui que tu vois pourtant du même point diffère de celui que je perçois. Si j’identifie sur une carte ces profils dont le contraste ou l’accord séduit, si j’y repère les plans, les masses et les taches qui le constituent symphoniquement, je n’obtiens que des lignes et des plages inarticulées. « Le paysage, comme unité, existe seulement dans ma conscience. » (Raymond Bloch) Ce n’est pas une sculpture, issue d’un acte d’organisation d’espaces et de volumes et livrée comme telle, mais une collection fortuite de fragments topographiques télescopés, aux distances abolies, où j’investis du sens parce que je lui reconnais la dignité d’un système formel et que je la traite, en somme, à l’égal d’une œuvre.

Ce qui compte, dans le paysage, c’est moins son « objectivité » (qui le rend différent d’un fantasme) que la valeur attribuée à sa configuration. Cette valeur est et ne peut être que culturelle.

[…]

Par ce biais, le territoire retrouve la dimension du long terme, fût-ce rétrospectivement. Cette nouvelle mentalité lui restitue une épaisseur que l’on avait oubliée. Ici se constatent encore les restes d’une catastrophe géologique qui a durablement modelé telle vallée, suscité tel plan d’eau. Ailleurs, l’archéologie aérienne détecte des paysages enterrés qui révèlent un usage différent du sol. Là, subsistent quelques morceaux d’un système routier dont nous ne pouvons que supputer l’ampleur et la disposition. Et des événements traumatisants se perçoivent, quelques générations plus tard, de façon positive : tel lac de barrage, violemment combattu comme un corps étranger au moment de sa création, est défendu comme intégré et indispensable par les descendants de ses adversaires.

Une prise en compte si attentive des traces et des mutations ne signifie à leur égard aucune attitude fétichiste. Il n’est pas question de les entourer d’un mur pour leur conférer une dignité hors de propos, mais seulement de les utiliser comme des éléments, des points d’appui, des accents, des stimulants de notre propre planification. Un « lieu » n’est pas une donnée, mais le résultat d’une condensation. Dans les contrées où l’homme s’est installé depuis des générations, a fortiori depuis des millénaires, tous les accidents du territoire se mettent à signifier. Les comprendre, c’est se donner la chance d’une intervention plus intelligente.

Ce paysage que je regarde
Certaldo, 1984
Ce paysage que je regarde
Chiusdino, 1966
Ce paysage que je regarde
Entre Volterra et Colle di Val d'Elsa, 1984
Ce paysage que je regarde
Entre Volterra et Le Tinte, 1984
Ce paysage que je regarde
Entre Volterra et Montecatini, 1984
Ce paysage que je regarde
Larderello, de Pomarance, 1984
Ce paysage que je regarde
Lucca, 1989
Ce paysage que je regarde
Montalcino, 1984
Ce paysage que je regarde
Monteriggioni, 1984
Ce paysage que je regarde
Pienza, 1969
Ce paysage que je regarde
Pitigliano, 1966
Ce paysage que je regarde
Poppi, vers le sud, 1984
Ce paysage que je regarde
S. Antimo, 1984
Ce paysage que je regarde
Volterra, 1984
Ce paysage que je regarde
Volterra, de la Badia SS. Giusto, Salvatore e Clemente, 1984
Ce paysage que je regarde
Aigle, Vigneto visto da una feritoia, 1997
Ce paysage que je regarde
Ardon, Veduta con vigneto
Ce paysage que je regarde
Baar, Scorcio campestre, 1983
Ce paysage que je regarde
Calfeisental, Veduta della diga di Gigerwald, 1984
Ce paysage que je regarde
Celerina, Veduta con la Chiesa di San Gian, 1977
Ce paysage que je regarde
Cham, Scorcio del'Abbazia di Frauenthal visto dai prati circostanti, 1983
Ce paysage que je regarde
Col du Marchairuz, Strada coi muri a secco, 1997
Ce paysage que je regarde
Col du Marchairuz, Veduta di un muro a secco, 1997
Ce paysage que je regarde
Degenau, Fiancata della Kappelle St. Nikolaus und St. Magdalena, 1983
Ce paysage que je regarde
Dettaglio della facciata di una cascina
Ce paysage que je regarde
Grüningen, Veduta di una fattoria, 1989
Ce paysage que je regarde
Küsnacht, Veduta di un campo a Forch, 1984
Ce paysage que je regarde
Sion, Castello di Tourbillon visto dal Castello della Majorie, 1984
Ce paysage que je regarde
Sion, Veduta della Chapelle de Tous-les-Saints e del Castello di Tourbillon, 1984
Ce paysage que je regarde
Sion, Veduta di un vigneto, 1999
Ce paysage que je regarde
Veduta con cascinale nei pressi di Agno
Ce paysage que je regarde
Veduta del Castello di Tarasp e della via d'accesso, 1995
Ce paysage que je regarde
Vufflens-le-Château, Veduta del castello dai dintorni, 1994
Lieu: Western Europe

Collection: André Corboz Collection, Iconoteca dell’Accademia di architettura Mendrisio, Università della Svizzera italiana
Text: André Corboz, Le Territoire comme palimpseste, 1983


Publié: Novembre 2023
Catégorie: Photographie