Sophie Ristelhueber
Décloisonnement optique
1993–1994
L’évaporation des arrière-mondes mythologiques ou religieux fait basculer la vision sur les premiers plans. Voilà soudain les arbres et les visages vus pour ce qu’ils sont, au hasard, sans a priori, dans leur magnifique laïcité. Ce nouveau contrat passé avec le visible nous a aussi valu la première cartographie fiable. Il est un moment dans l’histoire qui met l’œil à la fête, c’est lorsque l’homme, créé à l’image de Dieu, se mêle de recréer la nature à l’image de l’homme. C’est alors que cristallise ce mélange de rationalisme et de volontarisme qui ont sécularisé le regard occidental plus qu’aucun autre. Car on n’aime pas ce qu’on voit, on voit ce qu’on aime. Et quand une société aime un peu moins Dieu, elle regarde un peu plus choses et gens. En se distanciant du premier, elle se rapproche des seconds. […] Puisque le sacré est logiquement lié à une certaine clôture de l’espace, la désacralisation du monde passe par son décloisonnement optique. C’est-à-dire l’humanisation — par l’œil — d’espaces inhumains, jusqu’alors réputés invisibles.

















Lieu: Parc naturel régional du Pilat, France
Collection: Parc naturel régional du Pilat
Texte: Régis Debray, Vie et mort de l’image, 1992
Publié: Juillet 2022
Catégorie: Photographie
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