Geoffroy Mathieu
Filer à cent trente
2002–2005
Partout l’auto suit et répand l’asphalte ; et quand elle stoppe, la flaque noire s’étale en parking. Partout avec elle se répand le vide, que suivent bientôt l’ordure et la banlieue. Et quand vient l’autostrade, c’est une vallée qu’on éventre ; d’autant plus qu’autour des trèfles étalés à perte de vue prolifèrent bientôt hangars et usines : il faut choisir entre voir et filer à cent trente sans voir. L’autoroute coupe en deux la campagne, car ce fleuve toujours en crue n’est franchi que par quelques ponts. Elle assassine un val, ce n’est que justice si à ton tour elle t’égorge. On me dira qu’il faut des routes pour aller en ville ou à la campagne. Ce n’est pas faux, mais à quoi bon si elle ne mène qu’à la route ? A quoi bon la bagnole si l’on n’en sort plus ?












Lieu: Millau, France
Texte: Bernard Charbonneau, Notre table rase, 1974
Publié: Novembre 2018
Catégorie: Photographie
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