Edward Burtynsky
L’énergie dévorante
2012
Notre vie quotidienne est sous le signe du Doit et Avoir, mais notre guerre est sous celui de la dépense. Elle suit cette logique folle avec une obstination maniaque ; non seulement elle méprise la rentabilité, mais son principe la pousse souvent à rechercher les méthodes les plus onéreuses. Elle commence par payer les individus les plus productifs non seulement à ne rien faire, mais pour démolir, le mieux possible, avec les engins les plus perfectionnés. Elle met l’humanité en vacances, déplaçant des millions de femmes et d’enfants pour les envoyer à la campagne ; mais cette inactivité forcenée suppose le travail forcé de millions de travailleurs. Elle refabrique à force d’ingéniosité et travail ce que la nature offre spontanément ; quelques litres de pétrole avec des tonnes de caoutchouc, ou quelques kilos de caoutchouc avec des tonnes de pétrole. Ce qui, malgré tout, était scandale dans l’économie capitaliste en temps de paix devient norme dans l’économie de guerre : le café n’est plus seul à servir de combustible ; avec le blé on fait de l’essence, avec la soie de l’explosif. Rien n’est vrai, sinon l’énergie dévorante.













Texte: Bernard Charbonneau, L’État, 1949
Publié: Octobre 2015
Catégorie: Photographie
Source