Saint-Marcel Eysseric
L’œuvre commune
1879–1893
Si on ne bâtit plus de maisons mais des pavillons qui copient des villas étrangères à leur environnement, c’est parce que vivre est s’évader : hors du quotidien, du lieu et de sa société. Mais cette évasion organisée par la direction de la prison vous enferme d’autant mieux dans votre cellule.
Tandis que le pavillon ou la villa crient bien haut la dérisoire originalité de leur propriétaire, la maison se perd dans sa campagne ou son bourg. Et plus elle est belle, plus elle participe de la nature ou de l’œuvre commune, moins elle se voit. Entourée d’un enclos ou dissimulant un jardin invisible de la rue, elle est enracinée dans un lieu et sa tradition.
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Bocage ou campagne, le paysage est l’habit dont un peuple a revêtu la terre qu’il habite. Peu à peu il l’a taillé à son image, isolant ses maisons dans un dédale de haies, ou bien rassemblant les familles au village dans le vide des champs. Le paysage est le visage d’un pays : d’une société, le témoin durable de ses travaux et de ses rêves ; la variété des vues reflète celle des façons de voir et de faire.
Aussi pour un même sol et un même climat y a-t-il cent paysages, uniques et par là même universels comme le sont les personnes. Parfois l’un d’eux nous fait signe, tel le visage d’un passant rencontré dans la rue. Dans le paysage tout est bâtiment, plus ou moins enraciné dans le sol dont il fut tiré. Et ceux qui s’en dégagent le plus vivement prennent d’autant plus profondément appui dans le sol où ils sont engagés.





























Lieu: Provence, France
Collection: Archives Départementales des Alpes de Haute-Provence
Texte I: Bernard Charbonneau, La propriété c’est l’envol, 1984
Texte II: Bernard Charbonneau, La fin du paysage, 1972
Publié: Mars 2025
Catégorie: Photographie