« Ce qu’on gagne en surface, on le perd en profondeur », disait Péguy.
Ces hommes vivaient à l’étroit : beaucoup n’avaient jamais voyagé au delà des limites de leur canton natal. Mais cette place étroite où les enchaînait un sort invariable, ils la creusaient jusqu’au fond. Bornés en surface, ils n’avaient pas d’autre ressource que de s’enfoncer dans l’épaisseur : la profondeur était la dimension naturelle de leur vie. Ils communiaient à l’inépuisable diversité de ce coin de terre ; ils savaient l’âge et la place de tel olivier et les méandres de tel ruisseau, ils reconnaissaient d’instinct, dans la nuit la plus noire, les moindres sentiers, ils distinguaient chaque brebis de leur troupeau et chaque poule de leur basse-cour ; tout pour eux, depuis cet arbre marqué un jour par la foudre jusqu’à ce visage rencontré sur le chemin, avait un nom et une âme ; rien n’était impersonnel ni uniforme.
La familiarité, l’enracinement protégeaient l’homme contre l’abstraction stérilisante : à l’intérieur d’un cercle mesuré par quelques lieues, on percevait des différences subtiles entre le caractère, les mœurs, l’accent et jusqu’aux tournures de langage des habitants de chaque village, de chaque quartier. Ainsi s’établissait entre l’homme et le détail infini des choses un réseau d’échanges intimes dont notre époque imbue d’idées générales et de vues panoramiques soupçonne à peine la finesse et la densité.
[…] Nous suivons la mode, ils gardaient la tradition. Leur esprit, lentement nourri et jamais encombré, n’avait pas besoin d’éliminer l’aliment d’hier afin d’accueillir l’aliment d’aujourd’hui ; leurs souvenirs, sans fin ruminés, s’incorporaient à leur être même, ils faisaient rendre à l’expérience tous ses sucs.
[…] Cette idée d’un bien à sauver et à transmettre est à la base du code d’honneur paysan. Elle s’oppose à toutes les tentations de l’individualisme : l’homme, anneau dans une chaîne, sent obscurément qu’il doit résister jusqu’au bout pour que la chaîne ne se brise pas. C’est cet instinct de continuité qui courbe jusqu’à la mort le vieux paysan sur la terre et lui inspire cette horreur quasi physique de tomber à la charge de ses enfants ou de ses proches. Et c’est de lui que procède aussi ce savoir-vivre dont la délicatesse et la profondeur débordent à l’infini le savoir-faire.
[…] Le passé est mort, l’éternel demeure. Et cette nature qui ne change pas sera plus forte que l’homme changeant : la terre fidèle, après la crise qui nous tourmente, refera des paysans comme elle refait des fleurs après l’hiver.
Fermes cévenoles de la région de Brenoux, aux toits de lauzes et aux murs de moellons calcaires, avec leurs escaliers extérieurs sur voûte donnant accès à l'habitat.Maison dans le paysage, sur les pentes de La Gardonnenque, à St-Paul-Lacoste.Mende, grange appareillée en calcaire au toit de schiste formant auvent au-dessus de l'entrée située en pignon. La façade de la maison d'habitation, située derrière, s'orne d'un pigeonnier-tourelle.À Chauchaille, canton de Fournels. Murs de clôture appareillés en granit compact de part et d'autre d'un porche couvert en lauzes, et surmonté de deux épis de faîtage.Vue général du buron du Fayt, dans ses arbres.À Farguette (commune de Mayran). La maison se développe en hauteur, le rez-de-chaussée étant occupé par les animaux. Un escalier d'accès extérieur déporte la composition vers la droite, tandis que le centre de la façade est surmonté d'un pigeonnier-tourelle, flanqué symétriquement de lucarnes à batière, couvertes de lauzes comme le toit de la construction.La Rouvière à Chanac. Détail d'un toit de plaquettes bordé en dents de scie.Deux escaliers extérieurs donnent accès aux étages d'habitation de cette importante construction du Bas-Vivarais calcaire qui se signale par la belle harmonie de ses volumes couverts de toits méditerranéens. Aux environs de Lablachère, canton de Joyeuse.Au hameau de Bedousses à Aujac, construction de schiste sur voûtes, caractéristiques de l'art de bâtir cévenol.Escalier d'une modeste maison sur cave aux Ramonets (canton de Cahors-Nord) en 1952.Toits à la Philibert avec lucarnes de deux maisons mitoyennes des environs de Mende.Autre maison de La Chapelle-sous-Aubenas dont un toit ruiné couvrait jadis la terrasse sur voûte, perpendiculaire à la façade.Maison à toit mixte de tuiles plates à égout de lauzes, à escalier de façade à double accès. À l'aplomb du mur gouttereau, deux lucarnes en bâtière en pierre. À Varaire, canton de Limogne (1940).Maison à double galerie de bois et escalier extérieur, village de Bach, canton de Lalbenque, (1940). Elle fut démolie vers 1970.Bâtiments en équerre, maçonnés en granit, et leur clôture de pierre à St-Chely-d'Apcher.Four à deux foyers construit en pierres sèches, au Crabol, commune de Catus (1950).Halle à piliers massifs, couverte en pierres, à Beauregard, canton de Limogne (1940).À Esclauzels, canton de Lalbenque. Petite maison à large escalier direct, couverte d'un toit méditerranéen sur combles ouverts de fenestrous rectangulaires (1977).Le village de Chassagnac et ses toits de lauzes (commune de Ribennes) en Margeride.Ensemble de bâtiments de ferme avec gariote et annexe à toits de pierres. L'importante souche de cheminée est couverte également de pierres plates. À Germillac, commune de Montgesty, canton de Catus (1946).L'unique toit à la Philibert du Quercy, au Champ du Cerisier à Marcilhac-sur-Célé, canton de Cajarc (1979).Maison et grange à Caudecoste (Lot-et-Garonne). L'habitation dépourvue d'étage s'appuie au pigeonnier quadrangulaire couvert d'un toit à quatre eaux.Faîtage en lignolets d'un toit de lauzes à La Garde-Guérin, commune de Prévenchères.Pigeonnier-bolet d'une maison en hauteur avec deux escaliers, à Masquières (canton de Tournon). Cette forme est commune dans la partie du Quercy voisin, mais n'existe pas dans le reste de l'Agenais.Pigeonnier-porche d'une grande ferme à cour fermée, au Ledat (canton de Villeneuve-sur-Lot).Grangette tout en pierres plates à Reilhac, canton de Livernon (1950).Attelage de bœufs à Blars, canton de Lauzès (1957).Les foins à Livensou, commune de Francoulès, canton de Catus, en 1940.Le chemin entre deux murs de granit, menant au hameau de Volpillac à Javols.Murs de pierres sèches et de blocs erratiques, en granit, limitant des parcelles de terre dans les environs de Nasbinals.
Collection: Architecture paysanne du Rouergue et des Cévennes, Serg, 1975 - Habitat et vie paysannes en Quercy, Garnier, 1979
Texte: Gustave Thibon, Paysages du Vivarais, 1949