Sophie Ristelhueber
Parc naturel régional du Pilat
1993–1994
C’est bien le couple question-photographie qui permet de fonder la méthode. Cette expérience, qui avait été précédée d’autres essais et se poursuit actuellement dans d’autres recherches — avec une utilisation de la photographie de paysage encore plus ciblée – sous-entend bien évidemment une position particulière du chercheur vis-à-vis de l’objet d’analyse, le paysage en l’occurrence, et vis-à-vis de la photographie. L’utilisation de ce média trouve sa raison dans une problématique qui situe le paysage au centre d’une vision dialectique entre le paysage/produit social et le paysage/regard ou représentation sociale au sens large du terme. Cette problématique suppose l’existence de jeux complexes de transferts ou de flux entre le réel et l’imaginaire, ou entre le paysage visible et le paysage pensé ; la pensée du paysage inclut – hypothèse qui fait l’objet de l’analyse – des modèles, archétypes paysagers ou modèles sociaux, ou modèles techniques, de vie, etc. que la diversité sociale interprète et déforme lorsqu’elle se trouve confrontée à la réalité des processus de l’aménagement (qu’ils relèvent de l’individu, de groupes, de collectivités, de l’Etat, de l’international…). C’est cette superposition des modèles dans le regard, et sa projection sur le réel (et en retour la projection du réel dans l’imaginaire) qui constitue l’essentiel de l’objet analysé. La photographie se trouve donc un média privilégié de la méthode de recherche appropriée, à mi-chemin entre la production sociale du paysage et sa représentation pensée.
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40 points de vues, photographiés chaque année depuis 1994 font ici l’objet d’une analyse pour comprendre la manière dont nos paysages évoluent, ou pas, sous l’influence de multiples facteurs naturels et humains. L’objectif n’est pas de juger et encore moins de regretter un état passé. Il s’agit plutôt d’un suivi des paysages (une sorte de monitoring), à partir de points choisis à une certaine époque (1992 / 1993). Les choix des points de vue sont issus de discussions entre des acteurs locaux sur proposition d’un regard sensible et artistique, celui d’une photographe, Sophie Ristelhueber. Certes chacun des points de vue montre, de manière parfois brutale, les transformations d’un lieu mais, plus que le cas particulier, ce qui est intéressant, c’est de comprendre les raisons de ces transformations et ce qu’elles nous enseignent, d’une manière générale, ici sur les parking des cols, là sur les espaces agricoles ou encore ici sur les entrées de bourg pour ne prendre que ces exemples.

















Lieu: Parc naturel régional du Pilat, France
Collection: Parc naturel régional du Pilat
Text: Yves Luginbühl, Au-delà des clichés… La photographie du paysage au service de l’analyse, 1989
Publié: Juillet 2022
Catégorie: Photographie
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